UNE CONVERSATION AVEC CAMILLA GRYSKI: page 7
LA "LADY FICELLE" DU CANADA
par
MARK SHERMAN
Pasadena, Californie
Sherman: Ah oui! Parlons de vos voyages
dans le nord. Combien de fois avez-vous visité
l'Arctique, et comment était-ce?
Gryski: J'ai été six fois en Arctique. J'ai trouvé
extrêmement excitant de discuter avec des gens,
qui ne jouaient pas seulement aux jeux de ficelle,
mais en avaient une profonde connaissance dans
leur culture particulière. Dans la plupart des
endroits que je visite, mon audience en sait très
peu sur les jeux de ficelle, et moi beaucoup, donc
pour moi avoir l'opportunité d'apprendre était
très excitante. Mes hôtes faisaient toujours
attention de me présenter comme quelqu'un
qui vient pour partager et apprendre. Donc à
Igloolik, par exemple, les gens ont été invités au
grand spectacle du jeu de ficelle. C'était
vraiment merveilleux - plein à craquer de gens.
Les anciens de la communauté sont venus aussi
bien que les enfants. Chaque nuit, je me précipitais
à la maison et écrivais les choses, et ainsi j'avais un
compte-rendu de ce que j'avais vu et entendu.
Sherman: Quels autres villes et villages avez-vous
visité à part Igloolik, et quand?
Gryski: J'ai d'abord voyagé dans le Yukon, c'était
avec le Canadian Children's Book Week. Chaque
automne, en novembre, le Conseil Canadien
sponsorise un festival d'une semaine consacré aux
livres d'enfants et à la littérature infantile. Souvent,
les écoles et les bibliothèques venaient ensemble et
demandaient au programme de Public Reading, de
me proposer de venir visiter leur communauté, et
cela avait lieu durant la Children's Book Week.
Donc mon premier voyage s'est composé d'une
tournée de sept jours dans le Yukon, en 1986.
J'ai fait des ateliers à Fort Nelson, Fort St. John,
et à Whitehorse. Je dois avoir donné des ficelles à
tous les enfants de CM1, (grade 4), CM2
(grade 5) et 6ème (grade 6) de la ville, et chaque
enfant était mordu aux jeux de ficelle, lorsque je
suis parti.
Partout où nous avons été, le Dairy Queen,
l'aéroport, il y avait des enfants avec des ficelles.
En 1992, j'ai fait une tournée de dix jours sur
l'Ile Baffin, y compris Pond Inlet. J'ai même été
en Alaska. Un jour j'ai reçu une lettre qui avait
été réexpédiée par mon éditeur. Elle venait de
l'école de la région du Détroit de Béring. Je l'ai
regardée et j'ai pensé, "Bien est-ce vraiment du
Détroit de Béring ou de quelque part ici en
Ontario?"
Mais c'était vraiment du Détroit de Béring!
La lettre commençait ainsi, "Vos livres sont très
populaires dans nos villages...."Donc, j'ai passé
deux semaines dans la péninsule du Seward,
autour de Nome en mars 1993. Ils m'ont eu
là-bas en me prenant en charge avec la
conférence de
l'Association des Bibliothécaires de l'Etat de
l'Alaska, donc j'ai parlé à la conférence de
l'Association des Bibliothécaires et ai organisé
des ateliers dans les deux communautés la
semaine d'avant, et dans deux autres
communautés, la semaine d'après. J'ai en fait
vu tout le monde dans ces deux communautés,
chaque enfant d'âge préscolaire jusqu'au
secondaire, tout les deux cent enfants de la
communauté. Le soir, je faisais quelque chose
pour les adultes. Qu'ais-je fait d'autre? J'ai
participé au Tournoi de Golf pour
l'Alphabétisation au milieu des années 90, un à
Rankin Inlet et un à Fort Smith. Il y avait une
personnalité de la radio nommé Peter Gzowski
qui avait organisé des tournois de golf pour
l'alphabétisation. Il en a fait en Arctique et j'ai
participé à deux d'entre eux, à cause de mon
travail avec les enfants. Mais étant donné que je
ne savais pas si bien jouer au golf, au lieu de cela,
j'ai joué au "croquet"!
(Voir aussi ici BISFA 12, 2005 Michael Kusugak)
Sherman: Comment quelqu'un peut-il jouer
au golf en Arctique?
Gryski: Vous auriez été stupéfié. A Rankin Inlet,
ils ont construit un golf à neuf trous sur la mer
glacée. J'ai une photographie que je dois amener
et vous montrer. Mon dernier voyage était en été,
avant que je ne retourne à l'université, en 98
ou 99, en Arctique de l'Ouest. J'avais été à
Yellowknife avant, j'ai oublié de vous le dire,
mais cette fois j'ai visité Inuvik et Tuktoyaktuk.
Sherman: Je ne connais pas ces derniers
emplacements. Sont-ils situés dans les Territoires
du Nord Ouest?
Gryski: Ils sont dans les Territoires du Nord Ouest,
mais près de Yukon, dans la région du Delta de
Mackenzie. Inuvik est en-haut, dans la partie
supérieure du delta, ils l'appellent la région
montagneuse de Mackenzie, je pense. J'entrais
et je sortais en avion de Tuktoyaktuk.
Sherman: Est-ce que les personnes à qui vous
avez rendu visite pendant vos voyages en Arctique
étaient Inuits ou Indiens, ce que vous nommez
les Premières Nations ici au Canada?
Gryski: Eh bien, cela dépend où vous êtes. Il y a
beaucoup de population Inuit dans l'Arctique de
l'est.
Dans l'ouest de l'Arctique , comme autour de
Yellowknife, il y a essentiellement la population
Dene, et à Inuvik je pense qu'ils sont Gwich'in.
Les Inuits vivent dans l'Arctique de l'est, ce que
nous appelons maintenant, Nunavut. Les
Territoires du nord-ouest ont été récemment
divisés. Nunavut est le nouveau nom de
l'Arctique de l'est, et je pense qu'ils appellent
encore l'ouest de l'Arctique, les Territoires du
nord-ouest, bien que il se peut qu'ils
lui trouveront un nouveau nom.
Sherman: Est-ce que Nunavut est gouvernée
par les Inuits, eux-même?
Gryski: Eh bien, oui, mais il y aura une longue
période de transition. Un gouvernement doit se
lever, mais cela prendra du temps. Ils ont juste
commencé un programme de faculté de droit à
Iqaluit, qui est dans Nunavut, et ils vont essayé d'y
attirer 60 personnes. Elle est gouvernée par
l'Université de Victoria de la côte est mais
manifestement, ils auront des critères différents,
et ils vont essayés de mettre l'accent sur différentes
choses, mais ils se sont rendus compte qu'ils ont
besoin de former de jeunes gens. Et je ne sais pas
quel pourcentage des bureaux gouvernementaux
seront dirigés par les Inuit, pour l'instant. Je pense
que cela prendra beaucoup de temps. Mais, j'étais
en fait là-bas, lorsqu'ils ont voté pour
l'indépendance.
Sherman: Cela devait être excitant!
Gryski: C'était excitant!
Sherman: Y avait-il une tradition active du jeu de
ficelle, dans toutes les régions que vous avez visité?
Gryski: Je dirais que plus la communauté est
grande, ou elle est plus centralisée, moins il y a
de jeux de ficelle. J'ai trouvé plus de jeux de
ficelle, dans des endroits comme Pond Inlet et
Igloolik, les endroits qu'ils nomment colonies,
vous savez les petites communautés. Dans les
régions les plus isolées, il y a plus de jeux de
ficelle. Je me souviens que lorsque j'étais à
Nome, il y avait une communauté qui avait vécu
sur l'Ile King, ils se nommaient la population de
l'Ile King. Ils avaient encore une très riche
tradition du jeu de ficelle, mais essentiellement
parmi les anciens comme vous pouvez le voir sur
ces photographies.
Sherman: Donc, la jeune génération n'en connais
pas beaucoup?
Gryski: Eh bien je pense qu'ils en savent, mais je
pense qu'ils sont grandement ignorés comme
partout ailleurs - notre société nord américaine est
si envahissante, vous savez. Je me souviens d'une
séance à l'Ile de Baffin, je discutais surtout avec
des adolescents plutôt qu'avec de jeunes élèves que
je vois d'habitude. Quand l'enseignant m'a
présenté, pas l'un d'entre eux, n'a voulu admettre
connaître un seul jeu de ficelle. Il étaient très
timides. Pendant que je racontais mes histoires et
que je faisais mes premières présentations, ils
étaient assis avec leurs corps à moitié tournés
loin de moi. Mais aussitôt qu'ils ont eu la ficelle
entre les mains, les barrières sont tombées. Ils
ont commencé à réaliser toutes sortes de
figures, et ce que j'entendais encore et encore,
était, "Je l'ai appris de ma grand-mère, ou de
mon grand-père, ou d'un oncle." Les enfants
inuits ont des mains habiles et ils apprennent
visuellement.
Sherman: Lorsque vous avez rendu visite
aux anciens, étaient-ils impatients d'apprendre
des jeux de ficelle d'autres cultures, celles
présentées dans vos spectacle?
Gryski: Je pense qu'ils étaient intrigués. Le
jour où j'ai pris ces photographies, j'avais un
traducteur avec moi. Dans les régions que j'ai
visitées, les enfants étaient instruits en
Inuktitut, le langage inuit, jusqu'à la fin
du ce2 (grade 3) donc en principe, ils ne
parlaient pas l'anglais. Mon spectacle devait
être traduit, ce qui n'était pas toujours possible.
Une fois que j'avais fait le "Crabe", il y a un
crabe dans mon histoire, le traducteur m'a
regardé et a haussé les épaules, car il n'était
pas du tout certain de la manière de traduire
cela, puisqu'il n'y a pas de crabes là-bas. Mais
je pense qu'il y avait une grande fascination avec
quelque chose de si similaire et pas si différent.
Des choses comme la "Mouche" l' "Oeil qui
Cligne", ceux-là étaient quelque uns des
premiers que j'enseignais tous le temps, et
tout le monde pouvait établir un rapport avec
eux. Je me souviens qu'à un des tournois de
golf, ils m'ont invité à animer un atelier avec un
groupe d'enfant préscolaire. Ces enfants
étaient vraiment très petits, donc en principe,
vous faîtes juste votre spectacle, vous ne
pouvez pas vraiment enseigner. J'avais
seulement quelques minutes de toute façon,
donc j'ai fait "Un Régime de Bananes"
(un Hogan, ok?), qui a été inventé par
Ken MLcCuaig en fait, et à la fin, les enfants
prennent une des bananes. Donc j'ai fait
"Un Régime de Bananes" au moins trente
fois, une fois avec chacun des préscolaires. Puis,
la journée nous avons joué au golf, les parents
sont venus me voir pour me dire, "Ou voulez-
vous en venir avec ces bananes? Mon enfant
de trois ans est rentré à la maison en parlant
de bananes." Et ils ont eu besoin d'une
démonstration. Donc, les enfants ont la télévision
par satellite, mais ils ont aussi des jeux de ficelle.
D'une certaine manière, ils sont vraiment entre
deux cultures.
Sherman: Sentiez-vous que vous étiez une
intruse?
Gryski: Je me rappelle d'un cas à Pond Inlet, où
j'ai rencontré un peu de résistance. J'ai visité une
école d'enfants âgés, mais je n'ai pas visité une
école d'enfants plus jeunes car, on pensait que
j'étais une blanche venant avec leurs jeux, vous
savez, essayant de leur enseigner leurs propres
jeux. J'ai rencontré cela très rarement, et faisais
toujours attention à être juste, de dire je les ai
appris d'un livre, qu'ils ont été recueillis, et que
j'essayais juste de leur rendre.
Sherman: Donc, vous n'avais jamais eu de
remarques négatives des anciens? Ils ne
désapprouvaient pas ce que vous faisiez?
Gryski: Non, je ne l'ai jamais senti, bien qu'à
la Mission Brevig en Alaska, je me souviens
d'une vieille femme disant que les villageois
ne devaient pas assister à mon spectacle, car
les jeux de ficelle étaient le travail du diable.
Oh, et une fois, lorsqu'un ami enseignait dans
une communauté indigène dans le nord de
l'Ontario, une petite fille a découvert que le
livre rouge et la ficelle qu'elle avait apportés
au spectacle avaient disparu. Tout le monde
pensait qu'il y avait quelque chose d'étrange
là-dessous, l'esprit au travail vous savez,
d'une manière ou d'une autre connecté aux
ficelles. Mais ces cas ont été les seuls où j'ai
rencontré ou entendu des sentiments négatifs.
J'ai été si admirablement bien traitée partout
où j'ai été en Arctique. J'ai des boucles d'oreilles
sensationnelles en forme de hibou argenté, qui
étaient un cadeau de la population d'Igloolik.
Et d'Alaska, j'ai des boucles d'oreilles et des
barrettes garnies de perles qui m'ont été
données, donc j'ai été traité vraiment
admirablement là-bas.
Sherman: N'avez-vous jamais rencontré des
tabous relatifs au jeu de ficelle ou des
restrictions saisonnières, lorsque vous étiez en
Arctique?
Gryski: Non, je ne suis jamais tombée là-dessus.
vous savez la réalité est que cette population
indigène de nos jours est très fière de ses
traditions, et veulent que leurs enfants
célèbrent leur héritage, en dépit de tabous
anciens. Ce que je faisais, était si organique
d'une certaine manière, vous comprenez de
quoi je veux parler? Je venais juste avec mes
ficelles et mes histoires, et ils pouvaient
immédiatement voir comment les enfants étaient
impliqués. Je me souviens d'une fois en Alaska,
un vice-directeur me disant, "Joe", ou peu
importe quel nom s'était , "semble vraiment
aimer vos jeux de ficelle. Il était en prison le
dernier semestre." Vous réalisez brusquement
combien des choses différentes peuvent être
dans un cadre culturel différent, eh bien avec
les jeux de ficelle, les différences disparaissent.
SUITE
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