UNE CONVERSATION AVEC CAMILLA GRYSKI: page 9
LA "LADY FICELLE" DU CANADA
par
MARK SHERMAN
Pasadena, Californie
Sherman: Est-ce qu'une de vos tournées
vous a emmenée en dehors de l'Amérique
du Nord?
Gryski: Oui, en 1987, j'ai été en Angleterre,
accompagnée de trois autres auteurs pour
enfants. Nous faisions partie d'un
programme d'échange anglais-canadien.
Les enfants anglais étaient vraiment
sidérés, car la plupart des jeux de ficelle
étaient nouveaux pour eux.
Sherman: Avez-vous été capable d'identifier
un trait de caractère, ou une capacité qui prédit
la capacité d'un enfant à réaliser des jeux de
ficelle? Pouvez-vous regarder un enfant et dire
s'il pourra être bon à cela?
Gryski: Non, je ne peux pas. Mais je peux
dire que j'ai trouvé que les enfants de
Terre-Neuve étaient vraiment, vraiment bons
aux jeux de ficelle, et je me demande si c'est
grâce à toute leur activité de pêche, ou à leur
tradition de longue date de travail avec les
filets, je ne sais pas. Peut-être que la capacité
relative à la ficelle, est plus avancée parmi
les enfants qui sentent beaucoup leur corps,
vos savez, qui ont un bon contact entre leurs
esprits, leurs cerveaux, et leurs mains. Je me
souviens d'avoir animé un atelier dans une
école à l'extérieur de Calgary, qui était remplie
d'enfants avec des problèmes d'apprentissage,
et j'étais un peu inquiète car je n'étais pas
vraiment sûre qu'ils puissent apprendre. Mais
ils ont été parfaits. J'ai remarqué que ce ne sont
pas les enfants les plus brillants, qui sont les
plus experts en ficelle, et c'est bien, car cela
donne aux enfants qui n'ont pas souvent la
chance de briller, une occasion de le faire dans
un contexte scolaire. C'est vraiment bien car il
semble que ce soit une autre sorte de talent,
une autre sorte d'apprentissage, et pour cette
raison, ils sont vraiment ouverts à cette manière
d'apprentissage. Je ne sais pas si c'est
l'apprentissage direct ou peut-être, sont-ils
simplement des apprenants visuels qu'on peut
opposer aux apprenants par les livres. De
temps à autre, des enseignants me disaient,
"Eh bien, j'étais vraiment surprise de voir que
les enfants vous aient suivie si aisément, et qu'ils
aient pu réaliser si bien." Ce n'était pas
forcément les enfants brillants, les enfants qui
réussissaient sur le plan intellectuel. Donc les
problèmes d'apprentissage ne semblent pas
gêner dans cette manière d'apprentissage
particulière. Il est difficile de savoir si ce qui
aide à comprendre, est l'écoute, l'observation
ou la manipulation avec vos mains.
Sherman: Lorsque vous enseignez à un enfant,
comment réaliser une figure, quel est votre
manière préférée? Leur demandez-vous de se
tenir debout à côté de vous, ou est-ce que vous
la visualisez avec un genre de projecteur sur
un mur?
Gryski: Non. En principe, je me tenais debout
devant eux. Il y avait 70 enfants avec des ficelles
devant moi, et je leur enseignais. Au cours des
années, j'ai mis au point un langage sobre, vous
savez, "Suspendez la ficelle sur vos pouces, prenez
la par en-bas avec vos petits doigts", vraiment
une combinaison du visuel et du verbal. Et alors
je disais,"votre index droit fait ceci."
J'ai toujours enseigné le
"Balai" en premier, vous savez, le
"Harpon", car ça marche des deux
côté: si ils ont regardé de l'autre côté en
m'imaginant, cela marche, et si ils le font de la
bonne manière, cela marche. Donc, je vise
toujours la réussite des enfants, car plus vous
avez d'enfants qui réussissent, plus il y en aura
de votre côté. Vous voulez qu'ils réussissent
immédiatement.
Sherman: Donc, que se passe-t-il lorsque vous
rencontrez un sous-groupe d'enfants, qui ne
réussissent pas? Manifestement, vous ne pouvez
pas passer beaucoup de temps avec eux, tandis
que vous laissez tomber le reste du groupe?
Comment vous débrouillez-vous avec cette
situation?
Gryski: Eh bien je laissais le groupe se
débrouiller, et comme les enfants s'aident les
uns les autres, c'était un problème peu fréquent.
Il y avait souvent deux enseignants en plus du
bibliothécaire présent, donc vous aviez trois
adultes supplémentaires dans la pièce pour
aider. Bien sûr, des fois, les enseignants
n'étaient pas aussi engagés qu'ils auraient pu
l'être, mais d'habitude ils l'étaient car c'était
tellement agréable. Donc, il y avait des
enseignants travaillant avec des enfants, et
des enfants travaillant avec des enfants en
s'aidant les uns les autres. Cela me permettait
d'observer les enfants, et d'identifier ceux
qui commençaient à prendre du retard. Et ce
que j'avais l'habitude de faire, c'était de me
mettre en fait derrière eux et de mettre
mes mains sur leurs mains, et de réaliser la
figure. Donc, ce que je faisais, en gros, était
de les aider à garder les ficelles sur leurs doigts,
en quelque sorte modelant la figure pour eux.
Mais, souvent, je demandais d'abord la
permission d'être proche d'eux, "Est-ce que
ça va si je mets ma main sur vos mains?"
Donc, c'est ainsi que j'avais l'habitude
d'enseigner ceux qui avaient besoin d'un petit
quelque chose en plus.
Sherman: Et les adultes? N'avez-vous jamais
enseigné à des adultes, ou des enseignants ne
vous ont-ils jamais demandé de leur apprendre
pour qu'ils puissent enseigner à leurs élèves?
Gryski: J'ai animé des congrès, dans lesquels
les personnes qui étaient devant moi étaient des
enseignants, et des congrès narratifs
(storytelling) dans lesquels vous aviez un
mélange d'enseignants et d'adultes. J'ai
fait toutes sortes de choses pour des gens d'un
camp d'été, où il y avait un mélange d'adultes
et de grands d'adolescents. Quelques fois, de
drôles de choses se sont passées. J'avais une
règle: je ne fais pas de spectacle sans enseigner,
et je distribuais toujours des ficelles. De toute
façon, lorsque j'étais en tournée en Alaska,
on m'a demandé d'animer un atelier improvisé.
Il y avait des centaines de gens dans la pièce,
mais pas assez de temps pour distribuer des
ficelles. Donc, je les ai fait imaginer, qu'ils
tenaient une ficelle, et je leur ai enseigné le
tour africain, vous savez, celui dans lequel,
vous tenez les ficelles dans votre bouche,
tapez dans vos mains, et les ficelles se
retrouvent derrière votre cou.
Sherman: Ficelle virtuelle!
Gryski: Oui, ficelle virtuelle. J'ai trouvé que
les adultes étaient très engagés avec les jeux de
ficelle, jusqu'à que votre main leur prenne les
ficelles. Il y avait de nombreuse personnes qui
avaient assez peur d'échouer, de ne pas être
capable de le faire. Et j'ai trouvé que plus le
groupe était sérieux, plus je devais faire le
clown. C'était avant que je ne sois vraiment
un clown, mais plus j'étais amusante, plus
j'étais détendue avec eux, et plus ils étaient
détendus. Je pense que les adultes sont aussi
désireux de réussir que les enfants, mais les
enfants sont vraiment meilleurs, car ils sont
très ouverts lorsqu'ils disent, "Je n'y arrive
pas." Ou, où en suis-je? Qu'ais-je fait de
mauvais? Comme est-ce possible que je ne
puisse pas faire cela?" Ils veulent vraiment
qu'on leur apprenne et comprendre.
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