Harry Evans Maude 1906-2006
par Alaric Maude
Lettre à l'Editeur
Harry Maude est né à Bankipore en Inde le
1er octobre 1906, il était le dernier de six enfants.
Son père était un cadre supérieur dans
l'Indian Civil Service. Après une scolarité
intermittente et inadéquate en Inde, il a été
envoyé à l'ancienne école de son père à Londres.
Là-bas, son dossier académique n'était pas très
bon, à vrai dire, surtout à cause des déficiences
de son éducation précédente. Le proviseur a écrit
au père d'Harry pour lui déconseiller de l'envoyer
à l'université comme cité dans la biographie
écrite par Susan Woodburn, 'lorsque le bon dieu
a distribué les cerveaux, j'ai bien peur qu'Harry
était derrière la porte'. Mais son père avait plus
de confiance, et avec une aide privée Harry a
réussi à entrer de justesse au Collège Jesus,
à Cambridge. Là-bas, il a étudié l'Economie
puis l'Anthropologie, et a été diplômé avec une
meilleure class d'honours que son vieux proviseur.
Son proviseur aurait été encore plus étonné
d'apprendre, comme je l'ai été il y a seulement
trois semaines, qu'Harry est listé en tant qu'un
des anciens élèves connus de Highgate School,
pris en sandwich entre un Lord et un joueur de
cricket, qui jouait pour l'Angleterre.
En 1929, tout nouveau diplômé, Harry a été
nommé au British Colonial Service en tant
qu'élève officier, dans la colonie des Iles Gilbert
et Ellice, le seul endroit où il voulait aller, s'est
marié avec ma mère Honor et est parti pour le
Pacifique. Il resta dans le Pacifique, avec des
postes dans les îles Fiji, Tonga et Picairn ainsi
que les Gilberts, pour la plupart des 20 années
qui ont suivies, mis à part une période malheureuse
au Zanzibar. A la fin de 1948, il rejoignit la
commission du Pacifique Sud nouvellement établie,
et en moins d'une année devint le directeur de la
branche du Développement Social. Il a installé son
bureau à Sydney, c'est ainsi que nous sommes
devenus australiens. En 1957, il a rejoint le
Département du Pacifique à l'Université Nationale
Australienne, et c'est ainsi que nous sommes
devenus des Canberrains. Après avoir pris sa
retraite en 1970, il a continué à écrire et à publier,
et lui et Honor ont travaillé ensemble pour
produire une série de livres sur les Iles Gilbert,
maintenant Kiribati. Honor est morte en 2001,
mettant fin à un remarquable partenariat de
plus de 71 ans. Ses dernières années se sont passées
dans une maison de retraite à Jindalee, en tant
qu'érudits-résident, où sa santé s'est améliorée
grâce aux soins qu'il a reçus, et il est devenu une
personne très aimée, en dépit d'essais de fuite
constants et réussis.
Comment devons-nous nous souvenir de lui?
Robert Langdon, dans sa courte bibliographie de
Harry publiée en 1978, l'a appelé 'proconsul
timide et historien consacré au Pacifique'.
Doug Munro, dans un manuscrit non encore
publié, le décrit comme 'un loyal lieutenant et
un incurable romantique.' Sa biographe, Susan
Woodburn, écrit sur son rôle en tant qu'un
universitaire, 'informateur, modèle et mentor'.
Beaucoup de ceux qui ont envoyé des messages
à Harry pour son 100ème anniversaire ont
confirmé ces qualités.
Il était moralement fort, et je pense que cela,
avec l'influence de ma mère, l'a préservé des
écueils et des pièges de la vie coloniale.
Dans sa vie professionnelle, on pouvait compter
sur lui. Il a passé beaucoup de son temps
lorsqu'il était universitaire, puis retraité, à
aider les étudiants, les collègues et quiconque
le demandait, pour donner un conseil, une
information sur les sources et les commentaires
dans leurs manuscrits. Il était constamment en
train de répondre à des lettres du monde entier,
et tout cela est parfaitement classé et préservé.
A l'occasion de son 100ème anniversaire, un
ancien étudiant a écrit que 'vous étiez le plus
généreux des directeurs de thèses'; un autre
du 'temps et de l'effort que vous avez pris, à
m'encourager gentiment à persister et à élargir
mes horizons'; et encore un autre qu 'Je n'ai
jamais cessé de vous remercier dans mon
esprit intérieur de votre confiance en moi.
Il était modeste. Il avait une fierté tranquille de
ses réussites, mais ne s'attendait pas à ce que
quelqu'un les remarque. Jusqu'ici elles ont été
reconnues par les commentaires que je viens
de lire, par le livre d'essais en son honneur, édité
par Niel Gunson, par un Doctorat honorifique
de l'Université du Pacifique Sud, par un prix
du Gouvernement de Kiribati, et par le fait
qu'on se souvient encore de lui dans ces îles
pour son travail à la fois comme administrateur,
et à la fois comme préservateur et éditeur du
passé de son histoire et de sa culture.
[Il convient ici d'ajouter au discours, les mots
qu'Harry Maude a écrit en 1987, lorsqu'il a eu à
répondre à l'occasion de la présentation de son
Doctorat Honorifique à l'Université du Pacifique
Sud (USP). Ils ont été inscrits dans sa bibliographie
par Susan Woodburn, qui écrit qu'ils 'ont
récapitulés les buts et les convictions qui ont
informé son travail des trente dernières années.'
Le diplôme universitaire que votre Université vient
juste de me conférer est sincèrement apprécié. -
beaucoup, car je suis venu dans le monde
universitaire non pas directement sur le pont,
comme la plupart de mes collègues,
mais par le hublot à l'âge de 50 ans, alors que
beaucoup ces jours-ci, au moins en Australie,
pensent à leur retraite. De plus, l'histoire n'est pas
un sujet que j'ai étudié dans ma propre université,
mais un qui a été choisi après plusieurs années
pendant lesquelles j'ai vécu dans des îles, qui
n'était pas enseigné dans les écoles , et qui est
encore absolument nécessaire à la réhabilitation
des îliens. Par l'histoire, je veux dire leur propre
histoire - ce qui est quelque fois appelé histoire
locale ou indigène ou îlienne - et non ce qu'on
entend maintenant par le terme Histoire du
Pacifique, qui, j'ai vu à ma grande surprise est
presque invariablement l'histoire du contact des
Europens avec les peuples du Pacifique... Je ne
dis pas cela pour dire que l'histoire du contact
culturel n'est pas important, mais son importance
repose sur les effets qu'il a eu sur le courant
principal qui change le plus souvent à cause
de facteurs internes plutôt qu'externes...
Puis-je conclure alors avec une demande, que
cette université puisse conduire en étudiant le
développement historique de ses pays membres,
en employant les techniques modernes des
chercheurs dans la traduction orale, l'archéologie,
la préhistoire, la linguistique, l'anthropologie et
d'autres disciplines parentes. Par ces moyens,
vos étudiants seront capables de diffuser une fierté
légitime dans leur propre île et leur propre héritage
ancestral, étant pourvus d'une base historique
sûre pour qu'ils puissent participer en tant que
citoyens responsables de leurs nations
nouvellement indépendantes.]
Il était le produit de l'Instruction, croyant dans la
force de la raison et la pensée rationnelle. A
divers moments, il déclara qu'il était (mais vous
ne pouviez jamais être vraiment sûr) un athéiste, un
agnostique, et un humaniste. Mais il était aussi
attiré par à la fois l'Unitarisme, pour sa simplicité
et, la Haute Eglise Anglicane, pour sa pompe et
sa cérémonie. Dans ses dernières années, il avait
clairement la foi, qu'il portait avec une conviction
tranquille, et appréciait les services réguliers
anglicans à Jindalee.
Dans ses attitudes et actions il était progressif.
Dans son école privée secondaire de Londres,
il distribuait des tracts pour le Parti Travailliste
(ce qui dans l'Australie de nos jour, ne pourrait
pas être vu comme particulièrement progressif)
et son housemaster a rapporté (avec approbation)
que 'son étude était littéralement envahie par les
coupures du Parti Travailliste'. A l'université, il
rejoignit le groupe Freedom des Anarchistes Anglais,
de qui il s'est séparé seulement à sa quatre-vingtième
année. Dans le Pacifique il soutenait les intérêts
des peuples indigènes (ce qui, m'a-t-il raconté était
une attitude qu'il avait hérité de son père, qui
avait soutenu l'indiennisation du gouvernement en
Inde). Quelque fois, il se heurtait avec les missions
et ses supérieurs par sa défense des coutumes
gilbertiennes. Il m'a raconté, une fois, qu'il pensait
que sa plus grande contribution au bonheur
humain, avait été d'enlever à peu près 130
règlements draconiens, inspirés par les missions,
les commerçants et les fonctionnaires anglais, de
la loi gilbertienne. Dans sa recherche de l'histoire
du Pacifique, à qui il a voué la seconde partie de
sa vie, il voulait raconter l'histoire des peuples du
Pacifique, qu'il appelait courant dominant de histoire
et non, les pouvoirs coloniaux.
Il était sans aucun doute un romantique. Il a
été attiré par le Pacifique Central par la littérature
de Robert Louis Stevenson, et a écrit que la
première chose qu'Honor et lui avaient vu de
l'atoll corail était 'une image d'une telle beauté,
de calme et de solitude, qu'elle était restée gravée
dans sa mémoire depuis lors. Nous étions captivés
une fois et pour toujours par la magie des Iles de
la Mer du Sud.' D'un autre côté, cela n'était pas
très pratique, comme ma mère peut vous l'avoir
dit.
Mais dans sa recherche historique, il était très
pratique, un vrai artisan. Il était passionné du
repérage et de la préservation de sources de
matériaux de l'Histoire du Pacifique. Il savait
où trouver l'information sur le plus obscur des
sujets, et aimait donner les détails d'évènements
historiques, plutôt comme un mots croisés. Sa
publication favorite, Slavers in Paradise, était
décrite par les critiques comme 'un chef d'oeuvre'
et 'une pierre précieuse', qui avait impliqué
un travail de détective dans trois langues et
beaucoup d'archives. Il combinait son érudition
méticuleuse avec une détermination égale pour
raconter une histoire en bonne prose. Pour
Harry l'histoire était de la littérature. En voici
un exemple, que m'a fait remarqué son petit-fils,
Richard. Il se trouve à la fin de son essai sur les
vagues déferlantes et les naufragés, les Européens
qui vivent sans protection et de manière incertaine
dans les îles, longtemps avant la période coloniale:
... à l'époque des déferlantes.... il n'y avait pas
encore de commerce pour interférer avec la vie
économique des îliens, pas de missionnaires
zélés pour changer sa religion, pas de planteur
pour demander son travail, et pas de gouvernement
officiel pour lui enlever sa liberté. Il y avait
seulement la déferlante et le naufragé pour
représenter ce qui était à venir; souvent ivres,
prodigues et querelleurs, mais encore essentiellement
humains et tolérants, et ne désirant changer personne.
Enfin, nous nous souviendrons de lui pour son
sens de l'humour. Vous pouviez toujours avoir
un sourire et un rire de lui, et il se réjouissait de
l'absurdité occasionnelle de la vie, au milieu du
Pacifique, dans une université ou dans une maison
de repos. Je suis tombé sur ce passage de sa
bibliographie, dans lequel un collègue, décrivant
le bureau de la Commission du Pacifique Sud d'Harry
à Sydney dans les années 50, il a écrit:
Maude nous dirigeait et nous guidait par suggestion,
discussion et des rires; un sens de l'humour était
essentiel dans ce bureau, combiné à un côté
légèrement fou et une volonté de travailler des
heures.
Nous ne devons pas regretter son départ. Il a
eu une vie remplie et fructueuse. Il a réussi
presque tout ce qu'il voulait réussir, et a pu
voir son travail reconnu par d'autres. Il a eu
un mariage réussi et durable, avec des hauts
et des bas. Il a vécu jusqu'à son 100ème
anniversaire et a apprécié les messages qu'il
a reçus. Mais il était prêt à partir. Une fois, il
s'est plaint à son petit-fils, James, sur son
incapacité à mourir (comme il l'a dit à
beaucoup d'entre vous ici), et il disait que
c'est comme être à un arrêt d'autobus. Tout
le monde semble attraper le bus, mais il le
rate toujours. Cette fois, il a attrapé le bus.
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